La résolution adoptée par l’Institut de droit international à Santiago au sujet de la légitime défense reflète-t-elle le droit international existant ?
Is the Santiago IDI Resolution on Self-Defence reflecting international law?
text/texte : IDI Resolution on Self-Defence/Résolution de l’I.D.I. sur la légitime défense
By allowing self-defence against a manifestly inminent armed attack, it would seem that the Institut has bet on considering lawful a sort of new figure which would now be placed between the so-called interceptory self-defence as in the classic Pearl Harbour example, and anticipatory self-defence, which as such it is a figure on the lawfulness of which the the ICJ has for two times already renounced to pronounce itself: Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America).Merits, Judgement. I.C.J. Reports 1986, p.103, para.194 & Case Concerning Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda). Merits, Judgment, I.C.J. (19 December 2005), para.143. One might then wonder on what legal analogy one could then rely to interpret the sense of “manifestly”if one want is to distinguish the “manifestly” proviso from “inminence” “tout court” which has historically been interpreted to correspond to the 1941 Webster’s formula of “a necessity of self-defense, instant, overwhelming, leaving no choice of means, and no moment of deliberation.”
La légitime défense en cas de “menace manifestement imminente”: codification du droit existant ou simple proposition doctrinale ?
Au point 3 de sa résolution sur la légitime défense, l’Institut de droit international énonce que “Le droit de légitime défense de l’Etat visé prend naissance en cas d’attaque armée (« agression armée ») en cours de réalisation ou manifestement imminente”. L’Institut semble ainsi consacrer, dans une version qui se veut extrêmement restrictive, une notion de “légitime défense préventive”, entendue comme une “défense” permettant de riposter à une attaque qui n’a pas encore eu lieu. Les débats préparatoires qui ont abouti à l’élaboration de ce texte ne sont pas encore disponibles, et il paraît donc difficile de l’analyser de manière détaillée à ce stade. La notion de menace “manifestement imminente” suscite cependant d’emblée trois interrogations.
1. En premier lieu, on se demande sur quel texte, quel précédent ou quel argument la notion s’appuie. Traditionnellement, le débat oppose les partisans du texte de l’article 51, qui limite la légitime défense au cas d’une agression armée, à ceux qui privilégient une prise en compte de la coutume, souvent basée sur la très ancienne affaire de la Caroline. Dans ce dernier cas, la notion retenue est celle d’une “menace imminente”, c’est-à-dire qui est sur le point de se réaliser. La notion de menace “manifestement imminente” semble, en revanche, une création de l’Institut, sans doute dans le souci de réaliser un compromis entre les tenants des deux approches traditionnelles. On s’interroge toutefois sur la différence entre une menace “imminente” et une menace “manifestement imminente”: s’agit-il d’une différence de fond (et si oui laquelle) ou portant sur des règles de preuve ? Surtout, on se demande sur quelle base de droit positif pourrait s’appuyer cette dernière notion.
2. Or, et j’en arrive à une deuxième remarque, il est intéressant de rappeler que des débats récents ont eu lieu à ce sujet au sein de l’ONU, à l’occasion des 60 ans de l’Organisation. On se rappellera que le “groupe des personnalités de haut niveau”, suivi ensuite par le Secrétaire général lui-même, avait proposé d’admettre la légitime défense en cas de “menace imminente”. Cette proposition a été fermement critiquée par une grande majorité d’Etats, avec pour conséquence une disparition pure et simple de la notion de “menace imminente” dans le document du Sommet mondial 2005 (résolution 60/1; v. mon ouvrage, Le droit contre la guerre, Paris, Pedone, 2008, pp. 644-658). La notion de “menace absolument imminente” avait été évoquée par la Suisse (ibid., p. 650), sans davantage de succès.
3. En évoquant la notion voisine de “menace manifestement imminente”, sans la définir ni évoquer la source de droit positif qui la fonderait, l’Institut semble donc formuler une proposition de lege ferenda, plutôt que prétendre refléter l’état du droit, de lege lata. Sur le plan méthodologique, l’Institut paraît donc avoir fondé sa position sur des arguments relevant d’une perspective “policy-oriented” , en s’éloignant d’une démarche positiviste traditionnelle. La “menace manifestement imminente” obéit probablement à une volonté de faire accepter un compromis en conciliant les intérêt d’un Etat gravement menacé avec ceux des autres Etats qui peuvent craindre des dérives en cas d’interprétation trop souple de la menace. Il n’y a évidemment rien de répréhensible dans cette démarche, qui cadre certainement avec la mission de l’Institut. Encore faut-il se rendre compte qu’une telle proposition apparaît en très large décalage avec la position de la très grande majorité des Etats, telle qu’elle s’est exprimée très récemment au sein des Nations Unies.
Finalement, on attend avec impatience les documents préparatoires de l’Institut pour pouvoir mieux comprendre comment il a justifié la création de cette nouvelle notion de “menace manifestement imminente”.
Just a terminological addenda to professor Corten’s use of the term “légitime défense préventive”. Despite what appears as the slightly divergent versions of the respective points 6 of the Institut’s resolution (see infra 1), they both appear as precluding an interpretation according to which the Institut’s intention might be that of legalising any form of preventive use of force. On the other hand, the recent use by the Court of the term “anticipated attack” (see infra 2) might be also giving room to distinguish between “anticipatory” or “anticipated” and “preventive” uses of force.
Infra I:
1)“There is no basis in international law for the doctrines of “preventive” self-defence (in the absence of an actual or manifestly imminent armed attack
2) « Les doctrines de légitime défense « préventive », en l’absence d’une attaque armée en cours de réalisation ou manifestement imminente, n’ont pas de fondement en droit international. »
Infra II. Case Concerning Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda). Merits, Judgment, I.C.J. (19 December 2005), para.143.
The Court recalls that Uganda has insisted in this case that operation “Safe Haven” was not a use of force against an anticipated attack. As was the case also in the Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America) case, “reliance is placed by the Parties only on the right of self-defence in the case of an armed attack which has already occurred, and the issue of the lawfulness of a response to the imminent threat of
armed attack has not been raised” (I.C.J. Reports 1986, p. 103, para. 194). The Court there found that “[a]ccordingly [it] expresses no view on that issue”.